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L’Europe déclare la guerre aux trafics d’animaux

Vendredi 26 février 2016

L’Europe déclare la guerre aux trafics d’animaux

Source Le Monde.fr | 26.02.2016 à 20h44 | Par Martine Valo

Branle-bas de combat général contre le trafic d’animaux sauvages, morts ou vifs. Tel est le message qu’a voulu faire passer la Commission européenne en présentant, vendredi 26 février, un plan d’action sur cinq ans, destiné à coordonner la lutte contre un secteur « qui est devenu l’une des formes les plus lucratives de criminalité organisée au monde », selon Bruxelles.

Le braconnage et le pillage d’espèces atteignent en effet une ampleur inédite : ils brassent 8 à 20 milliards d’euros par an et menacent directement la biodiversité mondiale, la faune, la flore, mais aussi les forêts. Le commerce d’ivoire, de cornes de rhinocéros, des produits tirés du tigre, de bois précieux, des oiseaux exotiques s’avèrent les plus profitables, mais de nombreuses autres espèces sont décimées, en particulier les reptiles et les pangolins.

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Punir les trafiquants

Aussi, en réponse à une résolution votée au Parlement européen en janvier 2014, Federica Mogherini, chef de la diplomatie de l’Union, et trois commissaires européens ont joint leurs voix pour enjoindre aux vingt-huit Etats membres de se mettre en ordre de bataille pour porter cette offensive dans leur politique d’aide au développement comme dans leurs échanges commerciaux.

Il y a urgence à agir. « Si l’évolution continue à ce rythme, un enfant né aujourd’hui verra disparaître les derniers éléphants et rhinocéros sauvages avant son vingt-cinquième anniversaire », plaide Karmenu Vella, commissaire chargé de l’environnement, des affaires maritimes et de la pêche.

Concrètement, la Commission propose trente-deux mesures à mettre en œuvre entre 2016 et 2020. Elle demande aux Etats d’adapter leurs législations respectives afin notamment de punir les trafiquants d’au moins quatre ans de prison. Elle envisage également de stopper l’exportation d’objets anciens en ivoire en provenance de son territoire, de renforcer la coopération des services répressifs comme Europol ou encore de soutenir les communautés rurales vivant dans les zones où abondent les animaux sauvages afin qu’elles en tirent profit.

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Bailleur de fonds

Rien qu’en Afrique, l’Union précise avoir déjà engagé plus de 500 millions d’euros pour la conservation de la biodiversité au cours des trente dernières années, jouant un rôle important dans la création et la gestion d’aires protégées. Elle est le principal donateur international pour la protection de la nature sur ce continent : 700 millions d’euros sont mobilisés pour la période 2014-2020.

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Elle s’enorgueillit aussi d’être le principal bailleur de fonds du Consortium international de lutte contre la criminalité de la faune qui comprend la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, Interpol, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, la Banque mondiale et l’Organisation mondiale des douanes.

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L’Europe est à la fois une région de destination et de transit de ces trafics. Ainsi les forces de police ont saisi plus de 6 000 reptiles vivants aux frontières entre 2011 et 2016. Elles ont aussi récupéré des tortues, serpents, iguanes, geckos, caméléons plus ou moins vifs, mais aussi près de 10 000 peaux de reptiles, de mammifères (ours, loup), de la viande de bush, des oiseaux, des œufs, des hippocampes, des orchidées rares… Elle doit aussi protéger ses propres espèces en déclin, comme l’anguille.

Si le braconnage et le commerce illicite d’espèces se développent, c’est que la demande grandissante en Asie pour toutes sortes de produits a fait grimper les prix en flèche. Or les revenus qu’ils procurent, comme ceux de la drogue, de la traite d’êtres humains ou de la contrefaçon, alimentent le terrorisme en finançant diverses milices armées. Ce boum prospère sur la corruption et le manque de sanctions. En une décennie, un millier de gardes de la nature ont été tués dans le monde, déplore Bruxelles.

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« Pas de géant »

Les ONG Wildlife Conservation Society (société pour la conservation de la vie sauvage) et l’IFAW (Fond international pour la protection des animaux) applaudissent la mobilisation des commissaires européens. La première parle d’un « pas de géant dans la lutte contre ces trafics qui menacent la vie sauvage », la seconde se félicite de voir lancé ce plan qu’elles ont toutes deux contribué à élaborer.

« Le trafic d’animaux ne sera plus un délit, mais sera puni comme un crime », se réjouit Céline Sissler, directrice d’IFAW pour la France et l’Afrique francophone. « Les propositions de la Commission sont historiques, assure-t-elle. Elles vont permettre de coordonner les actions reposant à la fois sur la prévention, la répression et la coopération. » Il reste cependant à convaincre les ministres européens de l’environnement de les adopter et de les mettre en œuvre.

Martine Valo
journaliste Planète